C’est avec de redoutables
souvenirs sur un sujet que - continuant le parallèle
entre les deux guerres- mes lecteurs vont être confrontés aujourd’hui à ce
que l’Armée appelle la « discipline de feu »…….
En ce début de 1960 ,le déjà plus très jeune
officier que je suis (29 ans) termine son temps de service en
ALGERIE dans les montagnes couvertes de forêts de
l’ATLAS , au sud de BLIDA . En unité
d’artillerie transformée en unité d’infanterie et
avec une harka affectée .Le contingent effectue,
à l’époque 30 mois de service militaire ou plus s
il y a eu sanctions militaires…
On pourrait supposer qu’une telle
durée suffise à transformer complètement un jeune
civil en soldat aguerri et une unité
régimentaire en un groupe homogène …..C ‘est ignorer qu’après l’affaire
des Barricades à ALGER en janvier 60, l’Armée subit une crise de
confiance vis-à-vis de la politique
du Général et qu’elle a fait diffuser
dans la troupe son rappel à l’ obéissance
à la nation française :"Je ne reviendrai pas sur l'autodétermination
(...) force doit rester à la loi (...) si un jour les musulmans décidaient
librement et formellement que l'Algérie doit être unie à la France, rien ne me
causerait plus de joie si l'Algérie choisissait la solution la plus française
(...) »
.Mon capitaine, pied noir hargneux mais matois, a
trouvé excuse pour être absent et m’a désigné pour lire ( à sa place
et celle de son adjoint) ce rappel devant toute la batterie
rassemblée un matin à la cantine de l’ hôtel où
nous sommes logés ( Chrea).
Un maréchal des logis
chef d’active (pied noir) , mon adjoint de section , m’a
interpellé violemment après ma lecture ,
en proclamant , devant tous d’ un air dégoûté et furieux, qu’il
rendait sa médaille du Mérite Agricole ! Il
m’en veux car j’ai fait décorer un de nos soldats A … mais pas lui .. De fait,
une animosité sourde et hypocrite se dévoile peu à peu entre les
cadres d’active, officiers et sous-officiers pieds noirs et les
cadres du contingent ….Chacun pressent ce que
l’avenir montrera ensuite : l’intérêt des uns n’est
peut-être pas compatible avec l’intérêt des autres …..C e maréchal
des logis a ramassé 4 jours d’arrêt infligés
par le » pitaine » à qui j’ai rapporté l’esclandre
….Mais il s’en fout : nous sommes tous coincés sur notre crête
montagneuse et ne descendons pas à
BLIDA…
Par ailleurs , l’affaire des
barricades n’est pas aussi simple qu’ on veut le faire
croire :si le bilan officiel s'élève à 14 morts parmi les gardes mobiles
(dont deux officiers) et 121 blessés, six civils tués et vingt blessés,
l'enquête montrera que la plupart des gendarmes ont été tués ou blessés par
leurs propres collègues, qui servaient un fusil mitrailleur posté sur le Forum
et qui, cherchant à arroser les manifestants pieds noirs par-dessus
les tètes des gendarmes, a piteusement
parfois manqué sa cible. Bref, la discipline de feu et la
coordination de tir n’est pas meilleure même chez les
« professionnels » de la Gendarmerie !
Rentrons maintenant dans les cuisants souvenirs
personnels de cette époque ….
Je dois rappeler à mes lecteurs en quoi
consiste alors le déclanchement d’une « opération » ….. Lorsque des
renseignements nous permettent de cerner avec
précision le lieu de stationnement d’une bande rebelle ,nous
procédons ainsi :nous partons en pleine nuit , sur les sentiers
de la foret divisé en 3 groupes : le commandant avec sa harka ( 60
environ ) va en tête , suivi par la 1 ère batterie et ses 2
sections ( 60 environ , dont la mienne ) et suivis par la
BCS et sa section de combat ( 30 ) et nous
tachons d’encercler largement leur repaire , sans éveiller leurs
guetteurs ….L ‘assaut final se fait avec la harka , la bande
rebelle se disperse alors dans toutes les directions et
comme nous sommes à flanc d’une montagne très
boisée ( 1800 mètres ) l’ennemi nous débouche dessus sans
avertissement ….. Les fellaghas sont souvent
vêtus en treillis militaire comme
nous, plus sommairement, sans casque ni calot mais il est
très difficile de distinguer dans les taillis qui est qui et qui
fait quoi…… Quand on entend que ça commence à tirer, chacun se
poste cherchant à percer dans la demi –obscurité
(avec parfois une brume calamiteuse) , ce qui va vous jaillir dessus
…. Et ça tire !...... Et ça tiraille à n’ en plus finir…Puis des interruptions,
et ça recommence….etc. …Jusqu'à ce que les miens s’y
mettent aussi, dans une soudaineté et une pagaille inouïe
! Je me refuse à vous en donner plus de détails ,mais
imaginez que l’exercice d’un commandement à la voix dans
de telles conditions ne relève pas d’un ordre classique « feu ! »
, « halte au feu ! » ou d’un « cessez le
feu »réglementaires !!!On n’est pas à la caserne ou au cinéma !
On calculait dans mon régiment , 65eme RAA, que
dans de telles circonstances on dépensait plus d’un millier de
cartouches par ennemi tué …Mais ce qu’ on ne disait pas, c’est –
vous le devinez , qu’ on se tirait dessus parfois aussi
les uns sur les autres avec la même sauvagerie….Surtout , quand un
certain jeune officier (ma pomme) se dégageait
des broussailles en essayant d’ y voir un peu plus clair pour rallier ses
propres soldats dispersés de ci de là ….. Pourquoi
suis-je donc encore en vie ?…. Je ne sais trop quoi vous
dire ! Grace à la maladresse de tir de mes ennemis ou
plus souvent de mes propres « collègues » !???
Photo s des montagnes depuis CHREA /CHREA sous la neige:/La foret autour de CHREA
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J’AI ENCORE LE SOUVENIR DE CE FOUTU
CAPITAINE me reprochant ensuite de
trop communiquer avec mes hommes !
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