jeudi 25 janvier 2018

Quelques souvenirs d'ALGERIE d 'un officier du contingent en 1960-61 ( suite , parue dans L OBS /blogs )

C’est avec de  redoutables souvenirs  sur un sujet que - continuant  le parallèle entre les deux guerres- mes lecteurs vont être confrontés aujourd’hui à ce que  l’Armée appelle la « discipline de feu »…….

En ce début de  1960 ,le déjà plus très jeune officier  que je suis (29 ans) termine son temps  de service  en ALGERIE   dans les montagnes  couvertes de forêts de l’ATLAS  , au sud de  BLIDA . En unité d’artillerie   transformée en unité d’infanterie  et avec une harka affectée .Le  contingent effectue, à  l’époque 30   mois de service militaire ou plus s il y a eu sanctions militaires…

On pourrait supposer  qu’une telle durée  suffise à transformer complètement un jeune civil  en soldat   aguerri  et une unité régimentaire en un groupe homogène …..C ‘est ignorer qu’après l’affaire des Barricades à ALGER en janvier 60, l’Armée subit une crise de confiance  vis-à-vis de la politique du  Général  et qu’elle   a fait diffuser dans la troupe  son  rappel  à l’ obéissance à la nation française :"Je ne reviendrai pas sur l'autodétermination (...) force doit rester à la loi (...) si un jour les musulmans décidaient librement et formellement que l'Algérie doit être unie à la France, rien ne me causerait plus de joie si l'Algérie choisissait la solution la plus française (...) »

.Mon capitaine, pied noir  hargneux mais matois, a trouvé excuse pour être absent et  m’a désigné pour lire ( à sa place et celle de son adjoint) ce rappel  devant toute la batterie rassemblée un matin   à la cantine  de l’ hôtel où nous sommes logés ( Chrea).

Un maréchal des logis chef  d’active  (pied noir) , mon adjoint de section , m’a interpellé violemment  après ma lecture , en proclamant , devant tous  d’ un air dégoûté et furieux, qu’il rendait sa médaille du Mérite Agricole !        Il m’en veux car j’ai fait décorer un de nos soldats  A … mais pas lui ..  De fait, une animosité sourde et hypocrite se dévoile peu à peu entre  les cadres d’active, officiers et sous-officiers pieds noirs  et les cadres  du contingent ….Chacun pressent   ce que l’avenir montrera ensuite : l’intérêt des uns n’est peut-être  pas compatible avec l’intérêt des autres …..C e maréchal des logis a ramassé 4 jours d’arrêt  infligés par le » pitaine » à qui j’ai rapporté  l’esclandre  ….Mais il s’en fout : nous sommes tous coincés sur notre crête montagneuse  et ne descendons pas à BLIDA…

Par ailleurs , l’affaire des barricades  n’est pas  aussi simple qu’ on veut le faire croire :si le bilan officiel s'élève à 14 morts parmi les gardes mobiles (dont deux officiers) et 121 blessés, six civils tués et vingt blessés, l'enquête montrera que la plupart des gendarmes ont été tués ou blessés par leurs propres collègues, qui servaient un fusil mitrailleur posté sur le Forum et qui, cherchant à arroser les manifestants pieds noirs  par-dessus les  tètes des gendarmes, a piteusement parfois  manqué sa cible. Bref, la discipline de feu  et la coordination de tir n’est pas meilleure  même chez les « professionnels » de la Gendarmerie !
Rentrons maintenant  dans les cuisants souvenirs personnels  de cette époque ….

 Je dois rappeler à mes lecteurs  en quoi consiste alors le déclanchement d’une « opération » …..      Lorsque des renseignements  nous permettent de cerner avec précision  le lieu de stationnement d’une bande rebelle  ,nous procédons ainsi :nous partons en pleine  nuit , sur les sentiers de la foret divisé en 3 groupes : le commandant avec sa harka ( 60 environ ) va en tête , suivi par la 1 ère batterie  et ses 2 sections  ( 60 environ  , dont la mienne ) et suivis par la BCS    et sa section de combat ( 30 ) et  nous tachons d’encercler largement  leur repaire , sans éveiller leurs guetteurs ….L ‘assaut final se fait avec la harka , la  bande rebelle se disperse  alors dans toutes les directions  et comme nous sommes  à flanc d’une  montagne  très boisée ( 1800 mètres ) l’ennemi  nous débouche dessus sans avertissement …..  Les fellaghas  sont souvent vêtus  en treillis  militaire comme nous, plus sommairement, sans casque ni calot  mais  il est très difficile de distinguer dans les taillis qui est qui  et qui fait quoi…… Quand on entend que ça commence à tirer, chacun se poste  cherchant à percer  dans la demi –obscurité (avec parfois une  brume calamiteuse) ,  ce qui va vous  jaillir dessus …. Et ça tire !...... Et ça tiraille à n’ en plus finir…Puis des  interruptions, et  ça recommence….etc.   …Jusqu'à ce que les miens s’y mettent aussi,  dans une soudaineté et une pagaille  inouïe  !  Je me refuse à vous en donner plus de détails ,mais imaginez  que l’exercice d’un commandement à la voix  dans de telles conditions  ne relève pas d’un ordre  classique «  feu ! » ,  «  halte au feu ! »  ou d’un «  cessez le feu »réglementaires  !!!On n’est pas à la caserne ou au cinéma !


On calculait dans mon régiment , 65eme RAA, que dans de telles circonstances   on dépensait plus d’un millier de cartouches par ennemi tué  …Mais ce qu’ on ne disait pas, c’est – vous le devinez , qu’ on se tirait dessus  parfois  aussi les uns sur les autres avec la même  sauvagerie….Surtout , quand un certain jeune officier  (ma pomme)   se  dégageait des  broussailles en essayant d’ y voir un peu plus clair pour  rallier  ses propres  soldats dispersés de ci de là …..  Pourquoi suis-je donc encore en vie ?…. Je ne sais trop quoi  vous  dire !  Grace à la maladresse de tir de mes ennemis ou plus souvent de mes propres «  collègues » !???






Photo s des montagnes depuis  CHREA  /CHREA sous la neige:/La foret autour de  CHREA 

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J’AI ENCORE LE SOUVENIR DE CE FOUTU CAPITAINE  me    reprochant ensuite  de trop communiquer avec  mes hommes !

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